Depuis juin 2024, la colère gronde en Italie après la mort tragique de Satnam Singh, un ouvrier agricole de 31 ans, abandonné par son employeur après un terrible accident. Originaire du Pendjab, en Inde, Satnam avait quitté son village avec l’espoir de trouver une vie meilleure en Europe et d’offrir un avenir à sa famille. Comme tant d’autres immigrés, il avait contracté un prêt exorbitant pour payer son voyage, convaincu que ce sacrifice permettrait de sortir les siens de la pauvreté.
Cependant, une fois arrivé, la réalité s’est révélée bien différente. Embauché au noir dans les champs sous un soleil de plomb, Satnam travaillait de l’aube au crépuscule pour des salaires misérables, bien en dessous du minimum légal. L’argent qu’il gagnait ne suffisait pas à couvrir ses dettes ni à envoyer de quoi vivre à sa famille en Inde. Logé dans des conditions insalubres, partageant des baraques surpeuplées avec d’autres ouvriers immigrés, il vivait un cauchemar quotidien, coupé de son pays et de tout espoir de retour.
Comme beaucoup d’autres travailleurs, Satnam se sentait pris au piège. La barrière de la langue, la peur constante d’être renvoyé ou expulsé et l’absence de droits renforçaient sa vulnérabilité. Le rêve d’une vie meilleure s’effritait chaque jour un peu plus, remplacé par l’image d’une exploitation moderne et brutale.
Pourtant, au milieu de ce désespoir, des voix s’élevaient. Dans les fermes voisines, des syndicats et des associations de défense des droits des travailleurs commençaient à réclamer des salaires décents et des conditions de vie dignes. Mais les changements restaient timides, et les avancées trop lentes pour les travailleurs comme Satnam, qui vivaient dans la précarité et l’incertitude.
Le 17 juin, un drame est survenu. Alors qu’il travaillait dans les champs, une machine agricole a tranché le bras de Satnam. Plutôt que d’appeler les secours, son employeur, qui l’exploitait depuis deux ans sans le déclarer, l’a simplement chargé dans une camionnette, son bras placé dans une cagette à fruits. Il l’a ensuite déposé devant son domicile avec sa femme, qui travaillait avec lui. Deux jours plus tard, Satnam est mort.
Ce scandale a choqué l’opinion publique. La ministre italienne du Travail, Marina Elvira Calderone, a dénoncé un « acte barbare », et une enquête a été ouverte. Giuseppe Massafra, secrétaire général du syndicat CGIL, a qualifié cette tragédie d’« énième épisode d’inhumanité ». La région du Latium, où se sont déroulés les faits, est tristement connue pour le nombre élevé d’ouvriers agricoles non déclarés, près de 40 % selon l’Observatoire Placido Rizzotto. Les conditions de travail y sont inhumaines : des salaires dérisoires, des journées de 10 à 14 heures, des logements indignes, et des employeurs abusant impunément de la vulnérabilité de ces travailleurs.
Satnam Singh est devenu le symbole de la lutte silencieuse de milliers de travailleurs immigrés exploités en Italie. Malgré les réformes en cours, leur sort reste précaire, et sa mort rappelle cruellement l’urgence de réformer ce système. Des manifestations sont prévues pour exiger justice, alors que le gouvernement promet d’intensifier la lutte contre ce « système criminel » de travail au noir, qui nourrit l’agriculture italienne au prix de vies humaines.
Satnam n’aura pas eu la vie meilleure qu’il espérait, mais son histoire résonne comme un appel à la dignité et à la solidarité pour tous ceux qui, comme lui, cherchent simplement à survivre dans un monde qui les invisibilise.
– Fabrice CIACCIA, directeur du CRIC
Pour en savoir plus…
- https://www.theguardian.com/media/article/2024/jul/20/satnam-lost-his-arm-and-was-allegedly-left-to-die-on-the-roadside-this-is-the-horror-of-exploitation-on-italian-farms
- https://www.ouest-france.fr/europe/italie/italie-la-mort-dun-jeune-indien-remet-en-lumiere-le-calvaire-des-travailleurs-agricoles-exploites-4ba9c0b6-2fb4-11ef-9926-0fa5c94ac444
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