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SAUDADE#14 : Le Roton, « vestige d’une mémoire oubliée » ?

Sous les terres de Farciennes, le Roton murmure encore. Ses entrailles sombres, marquées par la suie et l’effort, ont autrefois alimenté les fourneaux de la Révolution industrielle, soufflant le souffle noir du charbon dans les poumons d’une nation en marche.

À l’interstice de l’histoire et du présent, la tour du Roton se dresse, figée dans le temps, témoin muet d’une époque où les profondeurs abritaient l’essence même de la modernité.

1828… 

Fondée en 1828, en pleine explosion industrielle, le Roton n’était pas seulement un lieu de travail, mais un pilier de la vie communautaire. Les mineurs affrontaient quotidiennement la roche et le grisou pour extraire l’or noir. Leurs mains, rendues calleuses par les outils, sont celles qui ont forgé les fondations de la société moderne.

Mais à quel prix ? Dans les entrailles de la terre, la lumière du jour se faisait rare, et la vie souvent suspendue à un fil. L’ombre des maladies professionnelles et des accidents planait en permanence, marquant à jamais les corps et les âmes.

L’apogée de la mine, véritable cœur battant de Farciennes, a fait naître autour d’elle un écosystème tout entier. Des maisons ouvrières bordant les routes poussiéreuses aux écoles qui formaient les enfants de ceux qui creusaient sous terre, tout respirait l’influence du Roton.

La communauté, soudée par l’effort commun, cultivait une culture ouvrière forte. La solidarité, née dans l’obscurité des galeries, tissait les liens entre familles, amis et frères de luttes. Mais si cette société florissante semblait prospérer à la surface, les racines de son existence demeuraient enfouies sous la terre, là où il n’existe ni ciel ni horizon.

1965… 

Puis, avec la lente agonie de l’industrie charbonnière, le Roton a commencé à se taire. En 1965, les machines se sont arrêtées, les outils ont été posés pour la dernière fois, et les « veines » qui vibraient autrefois du fracas des marteaux se sont figés dans le silence.

Les hommes, privés de leur raison d’être, ont vu leur monde s’effondrer. Le chômage, le vide, et la désindustrialisation ont marqué une époque de désespoir pour Farciennes. La mine, qui avait nourri et bâti tant de vies, était devenue une cicatrice sur le paysage.

Aujourd’hui

Les bâtiments désaffectés du Roton restent là, fantômes de leur ancienne gloire. Pourtant, dans chaque brique usée, dans chaque terril recouvert de végétation, réside l’histoire d’un peuple.

La Ville de Farciennes cherche à réinventer ces vestiges d’un passé industriel en nouveaux lieux de vie.

Les terrils renaissent sous forme d’espaces verts pour une population qui aspire à un avenir différent.

Aujourd’hui, le Roton se raconte aux générations futures…  Aux enfants…

Le CRIC raconte le rôle crucial qu’a joué cette mine dans la formation de l’identité de la région. Le CRIC raconte le courage des mineurs, leur lutte syndicale, et leur contribution au développement économique de la Belgique.

Le CRIC raconte la diversité culturelle, née de l’afflux de travailleurs migrants venus chercher fortune dans les mines.

Le CRIC raconte leRoton, lieu de mémoire et symbole de résilience. Et dans ce retour à la surface, l’espoir que l’histoire inspire des lendemains plus lumineux.  La mine du Roton continue de brûler dans la conscience collective rappelant que sous chaque exploitation de la terre gît une histoire humaine profonde, faite de sueur, de larmes, et d’espoir.

– Fabrice CIACCIA, directeur du CRIC