Assistance aux Initiatives Locales, Le CRIC

Lancement d’une plateforme associative « Accompagnement des réfugiés » : un succès !

L’accompagnement des réfugiés : une nécessité ici pour répondre à une urgence là-bas.

Suite à la rencontre du 3 février 2016, Dominique WATRIN du DISCRI nous propose cet article. 

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Les Centres Régionaux d’Intégration de Wallonie figurent au premier rang des intervenants confrontés à l’arrivée massive de migrants dans notre pays. À Charleroi, le CRIC (Centre Régional d’Intégration de Charleroi) a choisi de réunir toutes les forces vives associatives et institutionnelles de la sa région autour de la question, pour réfléchir sur les enjeux de cette problématique et, in fine, créer une plateforme associative « Accompagnement des réfugiés ».

L’initiative carolo ne manque pas d’ambition et tient en un axiome simple et bien connu en Belgique : l’union fait la force. Suite à l’afflux de demandeurs d’asile, le centre d’intégration souhaitait amorcer un débat pour dégager des pistes d’action communes destinées à améliorer l’accompagnement de ce public aux caractéristiques très particulières. Réunir les acteurs associatifs et publics concernés par l’accueil et l’encadrement des réfugiés et primo-arrivants était la première étape d’un plan qui, outre ce premier temps d’information, visait à aborder les questions opérationnelles comme l’établissement d’une vision globale des demandes et des besoins, améliorer la cohérence du dispositif et anticiper les besoins liées à la première vague de personnes régularisées. Une feuille de route à la fois audacieuse, réaliste et pragmatique…

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Un « gros embouteillage d’entrée »

Le premier rendez-vous fixé par le CRIC a été axé sur l’information, en partant de la situation mondiale pour en venir aux conséquences de celle-ci sur la Belgique, la Wallonie et la région de Charleroi. Appelée à décrire la problématique générale des réfugiés, Caroline Intrand, directrice adjointe du CIRÉ (Coordination et initiatives pour réfugiés et étrangers), se refuse à parler de « crise des réfugiés » et préfère évoquer un « gros embouteillage d’entrée », étant donné notamment qu’il n’y a eu « que » 35000 demandes d’asiles en Belgique en 2015, un chiffre en-deçà des 42000 arrivées enregistrées en 2000, lors de la crise dite « du Kosovo ». Selon elle, cette arrivée importante, en provenance prioritairement de la Syrie, de l’Afghanistan et de l’Irak, a été provoquée par les conditions précaires et dégradées dans les camps limitrophes des pays concernés (de l’Irak notamment), à un renforcement des dispositifs de surveillance et de sauvetage en Méditerranée et à une facilitation des voies d’accès à l’Europe (avec, entre autres, l’autorisation par la Macédoine de la traversée de son territoire).

Cet afflux a entraîné une polarisation de la société avec, d’une part, une crispation d’une frange de l’opinion publique et, d’autre part, une mobilisation et une organisation d’une autre partie de la société afin d’ouvrir les portes de l’Europe à ces personnes en détresse. En ont découlé des politiques contrastées des États, caractérisées par un rétablissement de contrôles aux frontières à l’intérieur de l’espace Schengen et l’érection de murs physiques, y compris à l’intérieur du même espace Schengen. Ces mesures ont été accompagnées d’une crise politique majeure, marquée par des changements législatifs profonds dans certains pays de l’Union européenne (comme, par exemple, au Danemark avec la loi sur la confiscation des biens des réfugiés). Naissaient ainsi des dispositions incluant des atteintes graves à l’accueil des réfugiés, même si, de l’avis de la directrice adjointe du CIRÉ, il s’agissait généralement davantage d’effets d’annonce que d’une remise en cause du statut de réfugié.

Un effort inéquitablement réparti

Aujourd’hui, c’est la proposition, émanant de l’Union européenne, d’instaurer une solidarité forcée entre les États qui fait débat. Cette idée d’une répartition et d’une relocalisation des réfugiés dans les États se heurte à des recours (de la Slovaquie, par exemple) et s’assortit de mesures comme la redéfinition des prérogatives de l’agence Frontex chargée de la surveillance des frontières de l’Europe, avec la création de centres de « pré-accueil » dans les lieux d’entrée des migrants (en Grèce et en Sicile, notamment), et la demande adressée à la Turquie de gérer le flux important de migrants transitant par son territoire.

Face à cette urgence générale, la Belgique a doublé le nombre de personnes accueillies, passant de 17000 en 2014 à 35000 l’an dernier, une progression supérieure à celle de pays comme la France (+ 10000), mais bien inférieure à celle de la Suède (150000). Cette attitude s’est doublée d’une politique essentiellement dissuasive menée par le secrétaire d’État Théo Francken qui a multiplié les messages décourageants (via courriels, messages Facebook, etc.) à l’adresse des candidats réfugiés, des procédés flirtant avec les limites de la légalité. Ces campagnes ont diffusé des informations alarmistes pointant la faible chance d’un accueil, alors que la moyenne des dossiers acceptés avoisine les 60%, avec des pics de 76% pour les personnes provenant d’Irak et de 98% pour les Syriens.

15839 places en Wallonie

Engagé dans le concret de l’accueil du flux des réfugiés, Samuel Escalier, directeur du centre FEDASIL de Jumet, a témoigné de la situation vécue sur le terrain. La loi sur l’accueil des demandeurs d’asile du 12 janvier 2007 confère à des institutions comme son centre la tâche d’un accueil comprenant une aide matérielle, une aide psychosociale, un accès aux soins médicaux et un appel à l’aide juridique, ainsi qu’une évaluation des besoins spécifiques des personnes accueillies. Les bénéficiaires de cette aide sont des demandeurs d’asile, parmi lesquels des MENA (mineurs étrangers non accompagnés), et certains sans-papiers… toutes des personnes en cours de démarche, en proie à un stress permanent.

La capacité d’accueil structurelle de notre pays est de 16200 places, auxquelles s’ajoutent environ 2000 places « tampons » (opérationnalisables rapidement) et 20000 places provisoires approuvées par le gouvernement, un total qui devrait permettre d’absorber les 35000 demandes qui ont afflué en 2015. En décembre 2015, 92 centres se répartissaient cette capacité d’accueil en Belgique.

En Wallonie, il existe 15839 places d’accueil. Dans la province de Hainaut, cinq centres (Binche, Jumet, Morlanwelz, Mouscron et Tournai) se partagent 3092 places. Le seul centre de Jumet a, pour sa part, vu sa capacité portée de 170 places au 1er août 2015 à 258 le 31 décembre, soit une augmentation de 52% pour absorber l’arrivée massive… qui ne pourra commencer à se résorber au plus tôt qu’en avril prochain, après la réception des premières réponses aux demandes d’asile. Reste que, comme le souligne Samuel Escalier, le plus grand défi sera l’après accueil !

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Samuel ESCALIER, directeur de FEDASIL Jumet et Gaetano BONGIORNO, coordinateur FEDASIL Jumet

La situation alarmante des MENA

Le public des MENA est une problématique à part dans la question des réfugiés. Au nombre de 8175 en 2015, soit une proportion de plus d’un quart des personnes accueillies, ces mineurs étrangers non accompagnés – principalement originaires d’Afghanistan – voient leur profil et leur situation évoluer. Gaetano Bongiorno, coordinateur au centre FEDASIL de Jumet, souligne cette évolution marquante. « Leur nombre a tendance à augmenter, appuie-t-il. À Jumet, le nombre de places MENA est passé de 24 à 52 en huit mois et le taux d’occupation qui était de 33% en janvier 2015 est passé à 100% douze mois plus tard. Si on y ajoute les 30 mineurs répartis dans des places adultes, faute de disponibilité, cela donne une augmentation de population de 1000%. » Quant à la tranche d’âge concernée, alors qu’elle avait toujours été stable avec essentiellement des 15-18 ans, elle a tendance aujourd’hui à se rajeunir considérablement.

L’accompagnement des MENA est semblable à celui des adultes, mais il intègre une donne supplémentaire, la scolarité, un volet qui se heurte à un écueil de taille : la saturation du réseau scolaire. Pour le seul centre de Jumet, 18 jeunes sont, pour l’heure, en attente d’une scolarisation. Pour ces MENA, un accueil en trois phases est prévu avec le passage par un centre d’observation et d’orientation, suivi par le centre d’accueil et l’ILA (Initiative Locale d’Accueil). Par ailleurs, un nouvel acteur intervient désormais dans l’accueil du MENA : le tuteur. Cette personne (une par MENA) est chargée d’accompagner le jeune durant toute sa procédure et, tant que sa désignation n’a pas été faite, la procédure ne commence pas.

Une fois la procédure en cours, le mineur doit rester en Belgique jusqu’à 18 ans. Et, après le passage par les deux premières phases de la procédure, le jeune doit quitter le centre d’accueil pour le marché du logement traditionnel. Ce qui, vu le rajeunissement des MENA débarquant en Belgique, risque, à plus ou moins court terme, de jeter à la rue des mineurs n’ayant pas l’âge légal pour obtenir un logement. Une nouvelle épreuve traumatique majeure pour ceux-ci, si des mesures ne sont pas adoptées…

Dominique Watrin

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