En 2009, l’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes publiait un rapport consacré à la présence des femmes au sommet. La représentation égale des femmes et des hommes au sein des organes de prise de décision semblait alors encore loin d’être une réalité. Quatre ans plus tard, une mise à jour s’impose. En se basant sur les mêmes indicateurs, le présent rapport examine dans quelle mesure la situation a évolué, dans la bonne ou la mauvaise direction.
Tout comme dans le premier rapport, un large éventail d’organes décisionnels a été examiné. Récemment beaucoup d’attention a été accordée aux femmes dans la prise de décision économique, tandis que le thème de la représentation politique est quelque peu passé à l’arrière-plan, notamment suite au succès relatif des quotas. Bien que l’objectif de ce rapport consiste aussi à alimenter les débats dans des domaines familiers tels que les entreprises, le monde politique, le pouvoir judiciaire, les autorités fédérales, l’armée et les autorités académiques ont été également abordées les organisations de travailleurs et les fédérations patronales, la banque nationale, les professions libérales, les médias et les ONG.
Depuis la publication du premier rapport, le thème n’a en effet pas vraiment disparu de l’agenda. Sur le plan européen, l’euro-commissaire Viviane Reding a beaucoup accentué les discussions en novembre 2012. Après avoir lancé aux Etats membres et aux entreprises en vue d’un engagement volontaire en faveur d’une meilleure représentation des femmes au sein des conseils d’administration, elle propose d’introduire des quotas pour les conseils d’administration des entreprises cotées en Bourse. Cette proposition prévoit une représentation minimum de 40% du sexe le moins représenté d’ici 2020 au sein des postes nonexécutifs des conseils d’administrations des entreprises privées. Pour les entreprises publiques, ce délai a été fixé deux ans plus tôt. Cette proposition, actuellement négociée et activement soutenue par la Belgique, suscite de vifs débats parmi certains Etats membres qui le remettent en cause, comme le Royaume-Uni ou l’Allemagne.
Dans notre pays, la Vice-Première Ministre et Ministre de l’Intérieur et de l’Égalité des Chances, Joëlle Milquet, a souligné, notamment dans le cadre du premier rapport « Femmes au Sommet », la pertinence d’un régime de quotas pour les conseils d’administration des entreprises cotées en bourse. En 2011, le parlement a adopté une loi qui prévoit une représentation minimale de 30%, à réaliser pour 2017 au sein des grandes entreprises, et pour 2019 pour les petites entreprises. Ce sont des périodes de transition relativement longues, mais le remplacement des membres des conseils d’administration constitue également un processus progressif. Dans ce rapport, nous sommes en état d’examiner une première fois dans quelle mesure les entreprises ont anticipé les quotas qui entreront en vigueur dans le futur.
L’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes a, par ailleurs, soutenu l’initiative des quotas dans un avis publié en janvier 2011, cette mesure ayant pour but de tendre à l’équilibre de la présence des femmes et des hommes dans les organes de décisions. Il était toutefois précisé que cette mesure devait être envisagée de manière transitoire et s’accompagner de sanctions mesurées, proportionnelles et de mesures d’accompagnement positives du type Women on Board.
En mai 2012, le Secrétaire d’état à la fonction publique, en collaboration avec le Ministre chargé de la fonction publique et la Ministre en charge de l’égalité des chances a mis sur pied des quotas pour les hauts-fonctionnaires fédéraux. Pour tout nouveau poste vacant, à compétences égales, la préférence doit aller à la candidate féminine, jusqu’à la disparition de l’inégalité observée au sein de l’ensemble des services publics. Cet objectif place la barre très haut : un sur six en 2012 et un sur trois en 2013.
L’approche chiffrée de la présence des femmes au sommet et la discussion des régimes de quotas ne sont pas les seuls aspects importants à prendre en considération pour atteindre l’égalité des genres à différents niveaux du processus décisionnel. Une culture d’organisation peut se révéler très sexiste, voire hostile. Les anciens schémas et idées peuvent entraver l’innovation. Lorsqu’un rajeunissement s’impose au sommet, on cherche encore trop souvent à réunir plus de personnes ayant les mêmes caractéristiques, plutôt que de viser davantage la diversité. Comment ne pas plutôt s’insurger du fait que, sans l’imposition de quota, à elles seules, les compétences et qualifications des femmes, ne les leur auraient jamais permis d’accéder aux sommets. C’est injuste. Non seulement pour les femmes dont le talent est actuellement insuffisamment reconnu, mais également pour la société au sens plus large, qui a le droit de bénéficier de services de la plus haute qualité.
Tant que nous n’aurons pas intégré l’idée qu’une société égalitaire et diversifiée, de sa base à son sommet, est plus compétitive et viable et que nous n’aurons pas accepté les changements nécessaires à sa mise en oeuvre, les femmes ne pourront que rêver à l’ascension des sommets, à travers un plafond de verre.
Michel Pasteel
Directeur de l’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes
Source : Institut pour l’égalité des femmes et des hommes, D/2013/10.043/5, 132 pages, 2013.
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