Une conférence-débat sur le thème des récentes émeutes dans les zones urbaines, notamment celles de Gilly en 2011 avec Hacène Belmessous. Il présente son ouvrage « Sur la corde raide, le feu de la révolte couve toujours en banlieue ». Ce spécialiste de la recherche académique sur la violence urbaine et les révoltes sociales s’associe à des maisons de quartier et des centres communautaires de la région de Charleroi, Médina Set, La Rochelle – Roux, Arc-en-terre, Jam Cultures, Dima Rêves (Gilly La Docherie Marchienne Charleroi) pour vous proposer cet événement exeptionnel.
Le vendredi 31 mai 2013
de 16h à 22h
Dans l’auditorium de l’U.T. ( Au rez de chaussée de la bibliothèque)
Boulevard Roullier, 1. 6000 Charleroi.
Programme
16h00 : Ouverture
16h30 : Musique soufie. Flûte de roseau Shems 19
16h45 : Concert Hiphop ABOU MEHDI
17h00 : Awa
17h30 : Présentation du nouvel ouvrage de Hacène Belmessous ( spécialiste de la recherche académique sur la violence urbaine et les révoltes sociales) :
Sur la corde raide, le feu de la révolte couve toujours en banlieue.
Intervention de Hassan Boussetta, sociologue, professeur à l’ULG.
Débat et parole à la salle avec Jean-philippe Preumont.
19h : Couscous traditionnel
Le programme complet à découvrir ici!
Extraits de la conclusion de l’ouvrage « Sur la corde raide, le feu de la révolte couve toujours en banlieue » de Hacène BELMESSOUS
« Après avoir conduit des entretiens dans le quartier de Gilly à Charleroi, près de Bruxelles, nous poursuivons notre enquête à Tottenham, un vaste quartier situé dans le nord-est de Londres. Ces deux territoires ont connu de violents affrontements entre des jeunes habitants et la police en avril 2011 à Gilly et en août 2011 à Tottenham. Les déclencheurs de ces révoltes sociales sont similaires à ceux de l’automne 2005 en France : dans chacun de ces quartiers, elles se sont déclarées après le décès d’un jeune lors d’une intervention policière. (…)
A Charleroi comme à Londres, les résidents d’origine extra-européenne – nous pensons aux personnes d’origine marocaine à Gilly et à cet ensemble hétéroclite noir et métis constitué de natifs de Jamaïque, du d’Afro-Caribéens, du Nigéria, etc. à Tottenham – s’estiment en marge de la vie démocratique, réduits à n’être que des individus de seconde zone sans destin si ce n’est celui de leur finitude dans ces ghettos de pauvres. D’évidence, les politiques d’austérité conduites sous le joug des marchés dans ces deux pays, articulées presque exclusivement autour de coupes budgétaires dans les politiques sociales, éducatives et culturelles et dont on sait qu’elles constituent pourtant des filets sociaux importants pour les habitants de ces lieux, ne font que nourrir le terreau de la révolte. Dans ces lieux qui ne dialoguent plus, Gilly est en cela exemplaire. On reste frappé à relire les commentaires des uns et des autres sur l’impossibilité même d’un dessein collectif. D’un côté, des individus frustrés et plein de rage car empêchés de se faire une place dans la société belge – un terme qui mériterait d’être discuté tant, d’une part, il a aujourd’hui peu de sens et, d’autre part, les fractures linguistiques et identitaires entre les Wallons et les Flamands suscitent en permanence des débats et des polémiques. Mais on peut noter que l’esprit d’une « entité sociale belge » qu’il faut préserver se concerte autour d’un consensus Wallons/Flamands gouverné par la peur de ces jeunes et du mode de vie des musulmans. Bref des individus qui se pensent dans leur communauté d’origine tant qu’ils n’existent que par elle.
Et de l’autre côté, le politique qui subordonne l’existence d’un Etat juste à la condition que ces individus minorisés deviennent des citoyens. Par conséquent, nous avons affaire à des sociétés anglaise et belge émiettées, fragmentées, avec de nombreuses similitudes avec ce qu’on observe en France si l’on reste dans une interprétation sociale de ces révoltes.
L’épreuve du feu
Il y a quelque chose de plus dans ces similitudes : ces territoires ne sont pas des mondes autonomes, repliés sur des identités particulières. Au contraire, et le paradoxe est frappant, comme à la Grande Borne qu’on présente comme le fond du sablier francilien, les processus de ségrégation et de discrimination, en apparence irréductibles car doublés d’une représentation stigmatisante et humiliante des habitants de ces quartiers, n’ont pas abouti à une déliaison avec la société globale. Interpréter, comme on l’a lu et entendu ici et là, ces révoltes comme les prémisses d’une guerre urbaine à l’ordre social et politique des Etats belge, français et anglais, c’est vouloir tourner ces prédictions en réalité. Car soyons réaliste : un révolutionnaire ne dort pas en chaque révolté. (…)
Les contestataires des quartiers populaires n’ont pas les moyens de saboter l’Histoire, plongés qu’ils sont jusqu’au cou dans le Réel. Ils envisagent leur mouvement comme une prise à parti de nos sociétés fermées fatalement violentes, car telle est la nature de leur relation avec un environnement qui ne leur fait aucun cadeau. A relire nos entretiens, on constate d’ailleurs qu’ils ont réindividualisé ces passages à l’acte collectif. Il nous revient à l’instant un propos sorti de la bouche d’un jeune Carolo à Gilly : « On était tous ensemble. » Durant les grandes grèves françaises de l’automne 1995, ce « Tous ensemble » cristallisait un ensemble d’individus parés des vertus de cohérence contre la volonté des néolibéraux décidés à brader l’Etat social. S’agit-il du même « Tous ensemble » que celui exprimé dans les quartiers populaires de l’Europe occidentale ? Vraisemblablement si l’on suppose que nos sommes face à des révoltés qui revendiquent une égalité de conditions. Dans les deux cas, c’est un attachement au contrat social qui est affirmé. (…)
« On a rien à perdre. » En conséquence de quoi ils déclarent assumer tous les risques, celui de la radicalité inclus. »
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